CHANGEMENT PERPÉTUEL, DÉCONNEXION ET URGENCE FACTICE !
À l’heure où l’Éducation nationale se voit imposer une baisse de budget considérable, des fermetures de postes massives, une dégradation des conditions de fonctionnement des écoles publiques, la mise en place à marche forcée de nouveaux programmes ne passe pas !
Les nouveaux programmes de cycle 1 et cycle 2 ont été publiés au Bulletin officiel pour une application dès la rentrée 2025. Pendant ce temps, ceux du cycle 3 sont soumis à une “consultation”. L’absence de mention du terme “projet” de programmes laisse peu de doutes sur la marge de manœuvre réelle laissée aux acteurs de terrain. Ces nouveaux programmes ne concernent, pour l’instant, que le français et les mathématiques, laissant de côté toutes les autres disciplines.
Une mise en œuvre qui méprise les réalités du terrain
Le ministère a choisi d’imposer un calendrier précipité, au mépris des conditions de travail des enseignants et des corps d’inspection. Pour accompagner ce changement, il prévoit quelques actions d’information : des capsules vidéo “Regards sur …”, ainsi que des webinaires les 15 décembre 2024 et 13 mars 2025 destinés aux inspecteurs. Suite à cela, tous les enseignants de cycle 1 et cycle 2 devront bénéficier de six heures de formation, avant les vacances d’été !
Ce plan de formation semble ignorer plusieurs réalités incontournables :
- Les plans de formation sont déjà surchargés, intégrant les “priorités” successives du ministère : mathématiques, français, maternelle, laïcité, pHARe, gestes qui sauvent…, sans oublier les 30APQ et dernièrement l’éducation à la vie affective et relationnelle.
- Les conseillers pédagogiques en circonscription sont déjà submergés, chargés de concevoir des formations répondant aux besoins spécifiques des enseignants. Cela nécessite du temps et de la réflexion !
- Les inspecteurs sont, eux aussi, surchargés, jonglant entre les impératifs de la circonscription, les missions départementales et/ou académiques, la formation et l’accompagnement des personnels et en ce moment la programmation du plan de formation pour l’année scolaire 25/26.
- Les inspecteurs assurent déjà la formation dans le cadre des rendez-vous de carrière, des formations des directions d’école, des RASED et du “pôle ressource”. Autant d’espaces dans lesquels ils accompagnent et forment les personnels, ce que le ministère semble ignorer.
Un rythme infernal de réformes, une profession à bout !
L’histoire récente des programmes scolaires témoigne d’une inflation législative :
- 1995 : réforme Bayrou
- Introduction des cycles d’apprentissage
- Renforcement du français et des mathématiques
- 2002 : réforme Lang
- Introduction de nouveaux programmes
- Approche plus globale des apprentissages et continuité des cycles
- 2008 : réforme Darcos
- Recentrage sur les “fondamentaux”
- Réduction du volume horaire des autres disciplines
- 2015 : réforme Vallaud-Belkacem
- Réforme du socle commun
- Réorganisation des cycles
- Nouveaux programmes
- 2018 : réforme Blanquer
- Modification des programmes de 2015
- Renforcement du français et des mathématiques
- Publication des guides pour le CP, puis extension au CE1, à la maternelle et au CM
- 2020 : Plan mathématiques
- 2019 : Évaluations repères en CP et CE1 puis sur tous les niveaux depuis 2024
Depuis 2008, nous subissons des ajustements tous les trois à cinq ans, mettant à mal la stabilité et la sérénité du travail des enseignants. Ces injonctions permanentes s’accumulent et aggravent des conditions de travail déjà dégradées. Rien que dans l’année scolaire 2023, pas moins de cinq ministres de l’Éducation nationale se sont succédé, donc quatre pour la seule année 2024 !
Un mépris de la professionnalité des enseignants et des inspecteurs
Ces nouveaux programmes sont présentés comme plus “clairs” et “concrets”, mais leur degré de détail interroge : sont-ils pensés pour pallier l’afflux croissant de contractuels dans les écoles, faute de recrutements de titulaires sous statut suffisants ? Sont-ils destinés à compenser la formation initiale des enseignants, devenue indigente ?
Cette énième réforme des programmes pose une question fondamentale : quelle place reste-t-il à la professionnalité des inspecteurs ? Les vraies questions n’ont pas été posées.
Au moment où se prépare dans des conditions catastrophiques la rentrée 2025, le ministère n’interroge pas les personnels d’inspection. Il ne nous interroge pas notamment quant aux raisons qui nous conduisent, tout comme nos collègues chefs d’établissement, enseignants et administratifs, à ne plus pouvoir exercer notre activité au service de l’utilité sociale de l’École publique !
Allons-nous être réduits à de simples exécutants, appliquant mécaniquement des prescriptions descendantes ?
Une fois de plus, cette réforme s’impose sans concertation, ignorant celles et ceux qui font l’école au quotidien !
Les inspecteurs ne sont pas de simples rouages administratifs, mais des personnels dont l’expertise doit être reconnue et la parole écoutée par le ministère.