FROIDE LOGIQUE DES INSTRUMENTS DE GESTION ET DE PROCÉDURES…

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LE TERREAU DE LA FABRIQUE DES IMPOSTEURS, ROLAND GORI, PROFESSEUR DES UNIVERSITÉS

“L’im­pos­teur est aujourd’­hui dans nos socié­tés comme un pois­son dans l’eau : faire pré­va­loir la forme sur le fond, valo­ri­ser les moyens plu­tôt que les fins, se fier à l’ap­pa­rence et à la répu­ta­tion plu­tôt qu’au tra­vail et à la pro­bi­té, pré­fé­rer l’au­dience au mérite, opter pour le prag­ma­tisme avan­ta­geux plu­tôt que pour le cou­rage de la véri­té, choi­sir l’op­por­tu­nisme de l’o­pi­nion plu­tôt que tenir bon sur les valeurs, pra­ti­quer l’art de l’illu­sion plu­tôt que s’é­man­ci­per par la pen­sée cri­tique, s’a­ban­don­ner aux fausses sécu­ri­tés des pro­cé­dures plu­tôt que se ris­quer à l’a­mour et à la créa­tion.

Voi­là le milieu où pros­père l’im­pos­ture ! Notre socié­té de la norme, même tra­ves­tie sous un hédo­nisme de masse et far­dée de publi­ci­té tapa­geuse, fabrique des impos­teurs. L’im­pos­teur est un authen­tique mar­tyr de notre envi­ron­ne­ment social, maître de l’o­pi­nion, éponge vivante des valeurs de son temps, féti­chiste des modes et des formes.

L’im­pos­teur vit à cré­dit, au cré­dit de l’Autre. Sœur sia­moise du confor­misme, l’im­pos­ture est par­mi nous. Elle emprunte la froide logique des ins­tru­ments de ges­tion et de pro­cé­dure, les com­bines de papier et les escro­que­ries des algo­rithmes, les usur­pa­tions de cré­dits, les exper­tises men­son­gères et l’hy­po­cri­sie des bons sen­ti­ments. De cette civi­li­sa­tion du faux-sem­blant, notre démo­cra­tie de camé­léons est malade, enfer­mée dans ses normes et pro­pul­sée dans l’en­fer d’un monde qui tourne à vide. Seules l’am­bi­tion de la culture et l’au­dace de la liber­té par­ta­gée nous per­met­traient de créer l’a­ve­nir.”

Roland Gori, pro­fes­seur émé­rite de psy­cho­lo­gie et de psy­cho­pa­tho­lo­gie cli­nique à l’u­ni­ver­si­té Aix-Mar­seille.