40ᵉ anniversaire du statut général de la fonction publique

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1983–84-86, un sta­tut fédé­ra­teur pour une admi­nis­tra­tion neutre, intègre et effi­cace.

Le 1ᵉʳ sta­tut géné­ral des fonc­tion­naires démo­cra­tique, ins­ti­tué par la loi du 19 octobre 1946 a consti­tué le socle sur lequel a été mise sur pied en 1983–84-86 une fonc­tion publique “à trois ver­sants” (État, col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, hos­pi­ta­lière) fai­sant rele­ver du sta­tut géné­ral, 5,7 mil­lions d’agents publics, soit près de 20% de la popu­la­tion active en rai­son de leur ser­vice d’intérêt géné­ral.

Tout comme leurs pré­dé­ces­seurs, Ani­cet Le Pors et les légis­la­teurs du début des années 80 ont ins­crit leurs pro­po­si­tions dans ce cadre his­to­rique. Les prin­cipes d’égalité, d’indépendance et de res­pon­sa­bi­li­té en consti­tuent l’armature.

Le prin­cipe d’égalité veut ain­si que l’accès à la fonc­tion publique se réa­lise par la recon­nais­sance de ver­tus et de talents dans le cadre de concours.

Le prin­cipe d’indépendance rend le fonc­tion­naire pro­prié­taire de son grade, sur la base de la loi sur l’état des offi­ciers de 1834 et l’administration de son emploi. Le sys­tème de la car­rière oppo­sé au sys­tème de l’emploi en vigueur dans nombre de pays anglo-saxons découle de ce prin­cipe.

Le prin­cipe de res­pon­sa­bi­li­té, enfin, ren­voie à la notion de fonc­tion­naire citoyen res­pon­sable devant la nation. A ce titre, les for­mules “prin­cipes hié­rar­chiques”, “devoir d’obéissance” ou encore “obli­ga­tion de réserve” ne figurent pas dans le texte ori­gi­nal. Non qu’elles n’existent pas. Mais, selon Ani­cet Le Pors, elles relèvent de la pleine res­pon­sa­bi­li­té qui guide le fonc­tion­naire et dont il rend compte. Le cadre légis­la­tif ain­si éla­bo­ré tient compte de l’autorité hié­rar­chique et de la res­pon­sa­bi­li­té du fonc­tion­naire citoyen, deux voies tout à la fois contra­dic­toires et com­plé­men­taires.

40 ans d’at­taques inces­santes

Ce sta­tut a déjà subi de graves atteintes. C’est ain­si que la loi Gal­land du 13 juillet 1987 a for­te­ment réduit la com­pa­ra­bi­li­té de la fonc­tion publique de l’état et de la fonc­tion publique ter­ri­to­riale, et par là les pos­si­bi­li­tés de mobi­li­té de l’une à l’autre. À la même époque, la 3ᵉ voie d’accès à l’ENA ouverte à des syn­di­ca­listes, des diri­geants d’associations et des élus locaux ayant fait la preuve de leur atta­che­ment à l’utilité com­mune, a été sup­pri­mée ; le droit de grève des fonc­tion­naires a été pla­cé sous des contraintes res­tric­tives ; le recours aux per­son­nels contrac­tuels a été élar­gi en infrac­tion au sta­tut géné­ral dans un contexte de pri­va­ti­sa­tion et de déré­gle­men­ta­tion qui n’a pas ces­sé depuis.

En 2007, en dénon­çant le « car­can du concours » et en le met­tant en balance avec le contrat, à l’instar de ce qui a été fait à La Poste, à France Télé­com ou au GIAT avec les résul­tats que l’on sait (bureau­cra­tie, divi­sion du per­son­nel, finan­cia­ri­sa­tion des objec­tifs), en prô­nant l’individualisation des rému­né­ra­tions pour mieux esqui­ver les demandes de reva­lo­ri­sa­tion de l’ensemble des orga­ni­sa­tions syn­di­cales et encou­ra­ger le clien­té­lisme par­ti­san sous pré­texte de recon­nais­sance du mérite, en encou­ra­geant les départs de la fonc­tion publique au béné­fice d’un humi­liant “pécule”, le pré­sident de la répu­blique tente d’engager une véri­table “contre-révo­lu­tion cultu­relle” sans man­dat du peuple fran­çais. Ce fut un échec en rai­son de la crise finan­cière qui écla­ta alors et mit en lumière le rôle d’amortisseur social de la fonc­tion publique.

En 2017, dans la conti­nui­té de 2015, le pou­voir exé­cu­tif reprit l’offensive en sub­sti­tuant le prin­cipe du contrat “de gré à gré” comme moyen d’entrer dans la fonc­tion publique à celui des concours. Pour ce faire, les attaques ont d’abord été por­tées sur le Code du tra­vail puis sur les sta­tuts comme celui des che­mi­nots au motif de pré­ten­dus pri­vi­lèges des sala­riés concer­nés.

Ces étapes stra­té­giques ont été conju­guées à de véri­tables trans­for­ma­tions sou­ter­raines :

  • Plus de 230 modi­fi­ca­tions légis­la­tives et 300 modi­fi­ca­tions régle­men­taires de 1984 à 2014,
  • Des choix bud­gé­taires alté­rant gra­ve­ment le fonc­tion­ne­ment des ser­vices publics,
  • Des méthodes de ges­tion issues du pri­vé déna­turent l’action du ser­vice public et fai­sant perdre de vue l’intérêt géné­ral.

Aujourd’hui, le fonc­tion­ne­ment des ser­vices publics et le sta­tut géné­ral de la fonc­tion publique sont consi­dé­ra­ble­ment éro­dés, per­met­tant à l’exécutif en place d’imaginer pou­voir leur por­ter un coup fatal.

Le pay­sage social est désor­mais clai­re­ment devant nous. Le point d’indice blo­qué depuis 20 ans, les salaires ron­gés par l’inflation, des condi­tions de tra­vail dégra­dées ont fini de rui­ner l’attractivité de l’enseignement public, le recours aux contrac­tuels devient selon le minis­tère “inévi­table”, sub­sti­tuant une logique de droit pri­vé au sta­tut légis­la­tif des fonc­tion­naires.

L’autonomie des éta­blis­se­ments, des écoles, leur éva­lua­tion, les rému­né­ra­tions “au mérite” (REP+, RIFSEEP) ins­taurent la concur­rence géné­ra­li­sée au sein du ser­vice public. La Loi Ril­hac et la fusion des corps sèment la confu­sion dans l’organisation du pre­mier degré. La sub­sti­tu­tion du régime indem­ni­taire au régime indi­ciaire par l’exécutif depuis 30 ans pour ne pas assu­mer le clas­se­ment et le reclas­se­ment des fonc­tion­naires au regard des évo­lu­tions tech­niques et de qua­li­fi­ca­tion ne cesse de pro­duire du désordre et impacte les pen­sions de retraite.

A cela s’ajoute le pro­jet pré­si­den­tiel depuis 2017 de per­mettre aux contrac­tuels d’entrer dans l’encadrement supé­rieur de la fonc­tion publique.

La par­ti­ci­pa­tion du SNCI-FO aux élec­tions pro­fes­sion­nelles de décembre 2022 a don­né un signal très clair : l’en­ca­dre­ment de l’É­du­ca­tion natio­nale reven­dique l’arrêt de ces trans­for­ma­tions et dis­po­si­tions mal­saines pour la fonc­tion publique, ses agents et ses usa­gers.